La gestion économique et sociale de son officine pendant la crise
Un enjeu soulevé par l'USPO (Union Syndicale des Pharmaciens d'Officine) dans une nouvelle conférence d'information à l'attention des pharmaciens. La crise de Covid-19 met en difficulté certaines officines. L'heure en est aux pistes envisageables pour une gestion optimale : florilège des mesures et solutions proposées aux pharmacies.
Lors de la web conférence de dimanche 5 avril 2020, le président de l'USPO Gilles Bonnefond intervenait en compagnie de Joël Lecoeur, expert-comptable et président de CGP (Conseil gestion Pharmacie). Au programme, toutes les questions relatives au droit social (aides aux entreprises, activité partielle, prime-macron,...).
Depuis l'entrée en vigueur du confinement général des Français, le 17 mars 2020, certaines officines ont déjà noté une baisse d'activité. Une baisse entre 10 et 30% constatée par 36% des pharmaciens ayant répondu à un récent sondage proposé par l'USPO. Dans un nombre croissant d'officines, l'activité semble se stabiliser à la baisse. Les notions de charges d'entreprises et de bien-être du personnel viennent alourdir les difficultés déjà engendrées par la crise sanitaire. En plus de rappeler aux pharmaciens les mesures sociales prises par le Gouvernement pour les entreprises, Joël Lecoeur leur a proposé différentes solutions d'après son expertise de terrain.
Les pharmacies de passages davantage impactées
Pour déterminer les variations de l'activité des pharmacies, CGP a mené une enquête en 2 volets : une mesure de l'activité des pharmacies du 1er au 17 mars 2020, puis une seconde entre le 18 et le 31 mars. Les pharmacies dites "de passage" type parapharmacies, sont les plus touchées par cette baisse significative de l'activité. Des officines qui disposent de stocks importants pour faire face à la demande. Les pharmacies de proximité quant à elles sont nettement moins impactées par la baisse d'activité.
CGP dresse constamment des bilans statistiques de l'activité économique sur un échantillon de pharmacies étudiées :
La notion de seuil de rentabilité
Joël Lecoeur a posé les bases, rappelant qu'une pharmacie doit pouvoir couvrir les frais généraux, les frais de personnels, la rémunération du pharmacien y-compris ses cotisations sociales (TNS), ainsi que l'échéance de l'emprunt qui sert à couvrir le remboursement de la pharmacie. La couverture de l'ensemble de ces charges d'exploitation repose sur le seuil de rentabilité.
Si ce seuil n'est pas atteint, notamment pour une pharmacie de passage, elle peut toujours avoir recourt au prêt de trésorerie avec un différé d’amortissement de 12 mois, qu’il est possible d’étaler sur 5 ans maximum. Quoiqu'il en soit, chaque officine doit pouvoir gérer de façon optimale toute ses charges d'exploitations, encore plus en temps de crise.
Reporter certains achats et livraisons
Selon Joël Lecoeur, au vue de la situation actuelle, il est préférable de "décaler toutes les livraisons et commandes qui ne sont pas nécessaire au maintien de l'activité actuelle", pour ainsi permettre de pouvoir "alléger les factures", qui pour rappel sont seulement réglables sous 60 jours.
Le décalage des livraisons non-indispensables à la poursuite des activités est une première piste pour préserver la trésorerie de l'officine d'une façon durable. Néanmoins, certains fournisseurs peuvent aussi proposer des délais de paiement afin de ne pas casser la vente.
Pour revenir aux pharmacies de passage, se pose justement la question des fournisseurs et grossistes, avec lesquels le président de CGP préconise de garder de bonnes relations économiques de façon à alléger la dette client/fournisseur : "Il faut qu’il y ait une solidarité entre les acteurs économiques pour assurer l’approvisionnement de nos pharmacies. Dans le cas contraire, il faudra baisser le rideau", explique-t-il.
Le chômage partiel
L'une des mesures phares prévues par le décret du 2 avril 2020. Une décision à envisager afin d'éviter le licenciement des employés. Si le titulaire décide d'avoir recours au chômage partiel, il devra obtenir l'accord de la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi): il lui faudra apporter les preuves de la baisse significative de son activité du 18 au 31 mars, justifiant le recourt à cette décision.
Si le titulaire obtient l'accord de la Direccte, il aura 30 jours pour mettre en place le chômage partiel dans son officine, entre le moment où il a pris la décision et celui où il en fera la déclaration. Chaque salarié touchera ainsi 70% de la base servant au calcul des congés payés, en théorie 84% net. Les apprentis y ont également droit, excepté les stagiaires qui pour leur part ne sont pas bénéficiaires du chômage partiel.
Imposer les congés-payés
C'est aussi ce que préconise le président de CGP. Les titulaires ont la possibilité d'imposer à leurs employés un congé-payé équivalent à 6 jours temps plein, sous condition de conclure un accord d'entreprise (accord des deux tiers des salariés présents ou accord avec le CSE). Une possibilité se présente également pour imposer 10 jours de RTT à chaque salarié.
Côté employés, la prise d'arrêt maladie est autorisée pour permettre la garde des enfants. Si le confinement venait à durer, le pharmacien titulaire de son officine serait amené à renouveler cette période d'arrêt maladie.
L'État devrait indemniser les professionnels
Dans les 12 jours de versement du salaire, chaque professionnel de santé touchera une indemnisation qui s'élève à une somme 4 fois supérieure au SMIC.
S'ajoute à cette indemnisation la "prime Macron", qui s'élève à 1000 euros. Les règles à son égard ont été assouplies, si bien qu'elle doit désormais être versée jusqu'au 31 Août 2020 à absolument tous les employés (y compris le personnel d'entretien). Elle est aussi modulable avec certains employés selon des critères de présence et de temps de travail. Elle concerne également les apprentis et les individus en CDD (contrat à durée déterminée).
Par ailleurs, l'USPO a demandé l'indemnisation des pharmaciens concernant leurs déplacements exceptionnels, notamment les livraisons de médicaments devant le domicile, organisées de façon à limiter le contact avec les patients.
Corentin Nadjar-Leguy
Pour un compte-rendu détaillé en FAQ (foire aux questions) de la web conférence de l'USPO du 5 avril 2020 : https://uspo.fr/reponses-a-vos-questions-exercice-professionnel-social-gestion-de-lentreprise/